Arche de Zoé : un procès sous haute tension
Quatre membres de l'Arche de Zoé inculpés
Dix membres de l'association, dont six Français, sont jugés à partir d'aujourd'hui à N'Djamena dans un climat tendu.
Les accusés risquent jusqu'à vingt ans de prison. Le verdict est attendu mercredi prochain.
Moins de deux mois après leur arrestation le 25 octobre dernier à l'aéroport d'Abéché , Eric Breteau, Emilie Lelouch, Alain Péligat, Dominique Aubry, Philippe Van Wilkerberg et Nadia Merimi (cliquez ici pour lire leur portrait) sont jugés à partir d'aujourd'hui par la cour criminelle de N'Djamena, la capitale tchadienne. Avec trois autres Tchadiens et un Soudanais, les six membres de l'association L'Arche de Zoé sont poursuivis pour "enlèvement d'enfants".
Les accusés, qui encourent de cinq à vingt ans de travaux forcés, devraient être fixés sur leur sort mercredi prochain, jour prévu officieusement pour le verdict. S'ils sont condamnés, les six Français pourront exécuter une partie de leur peine en France, en vertu des accords de coopération judiciaire entre les deux pays.
Sentiment anti-français
C'est peu dire si le procès s'annonce tendu. Tout d'abord, face au sentiment anti-français qui prévaut dans le pays, le tribunal devra gérer la pression de l'opinion publique tchadienne, qui réclame une peine exemplaire pour ceux qu'elle considère comme des "voleurs d'enfants".
Ensuite, l'affaire survient en pleines tractations diplomatiques entre Paris et N'Djamena sur la force internationale au Darfour, dont la base arrière sera l'Est du Tchad. L'intervention de Nicolas Sarkozy pour récupérer d'autres membres de l'opération n'avait été acceptée que sous la contrainte par Idriss Déby, son homologue tchadien. Depuis, les deux gouvernements ont néanmoins tenté de calmer le jeu.
Breteau : "une mascarade"
Dénonçant quant à eux une "instruction à charge", les six Français sont en grève de la faim depuis le 8 décembre Eric Breteau, le président de l'association, se montre toujours très vindicatif envers les autorités françaises. Il continue ainsi à affirmer qu'elles étaient au courant et que son groupe a été lâché par Paris. "On va être condamnés, mais on n'en a ni l'envie ni l'intention", expliquait-il encore jeudi. "C'est une mascarade. On nous a donnés un chronogramme détaillé : le procès commence le 21 (décembre), nous sommes condamnés le 26, je prends dix ans et nous sommes rapatriés le 30", a-t-il lancé, assurant disposer d'un "dossier suffisamment béton pour démontrer la mascarade".
Eric Breteau continue aussi de défendre le bien-fondé de son opération, qui avait selon lui pour objectif de "sauver de la mort" 103 orphelins du Darfour. Or, une enquête d'organisations humanitaires internationales et des missions sur le terrain ont établi que la quasi-totalité des enfants étaient Tchadiens et n'étaient pas orphelins.
Mettant en avant la bonne foi de leurs clients, les avocats des six Français ont fait savoir qu'ils allaient plaider l'acquittement. "L'évacuation d'enfants en danger est prévue par la Convention de Genève, sans qu'aucune responsabilité pénale ne puisse être retenue contre ceux qui les évacuent", souligne notamment Me Céline Lorenzon. Me Gilbert Collard note quant à lui que les accusés doivent faire "passer un message essentiel" lors du procès, c'est-à-dire "qu'ils ne sont pas venus ici pour faire du mal", mais pour "appliquer la doctrine" du droit d'ingérence et "sauver des vies à n'importe quel prix".